Le Président. – L’ordre du jour appelle à présent le débat sur la déclaration de la Commission intitulée «Une menace à la liberté d’expression en Algérie: la condamnation à cinq ans de prison de l’écrivain français BoualemSansal» [].
J’attire votre attention sur le fait que, à la suite de la déclaration de la Commission, il n’y aura qu’un seul tour de parole des orateurs des groupes politiques. Il n’y a donc, par conséquent, pas de procédure d’intervention à la demande, et aucun carton bleu ne sera accepté pour ce débat.
Hadja Lahbib, Member of the Commission. – Madam President, honourable Members of the Ϸվ, Algeria is a close neighbour and a longstanding important partner of the EU, with which we address matters of concern openly and frankly. Article 2 of the EU‑Algeria Association Agreement stipulates that respect for democratic principles and fundamental human rights constitutes an essential element of the agreement. On this basis, the European Union has repeatedly, and at different levels, raised the case of the renowned author Boualem Sansal with the Algerian authorities.
Last week Mr Sansal was sentenced to five years in prison for opinions he freely expressed. While the Algerian constitution explicitly protects freedom of expression, the Algerian justice system has instead issued a first instance condemnation which was subject to various interpretations. This is only the first instance judgement, and we remain hopeful that during the appeal trial the judicial authorities will eventually consider that the facts that motivated the arrest of BoualemSansal are protected by the right to freedom of expression, and that he will eventually be acquitted. Boualem Sansal was arrested last November and has already spent too much time in prison. It is therefore important that a solution allowing his release is found quickly – also in light of the author's advanced age and deteriorating medical condition.
Honourable Members, in these difficult times, when democratic principles and human rights are increasingly challenged, It is important that the European Union continues to uphold and promote these fundamental values. I would like to assure you that human rights will continue to be a fundamental part of our dialogue with the Algerian authorities, and that we will remain fully engaged on the case of Boualem Sansal.
Céline Imart, au nom du groupe PPE. – Monsieur le Président, Madame la Commissaire, chers collègues, cent trente-huit jours, c’est la durée depuis laquelle BoualemSansal, écrivain franco-algérien, est incarcéré dans les geôles algériennes. Depuis plus de quatre mois, l’Algérie se déshonore en enfermant un homme parce qu’il a exercé son droit le plus élémentaire: dire et écrire ce qu’il pense. BoualemSansal, c’est une voix libre, profondément européenne, un auteur majeur, lauréat de prestigieux prix littéraires, et qui a offert à l’Europe des œuvres très éclairantes sur les dangers du totalitarisme et de l’extrémisme religieux. Son engagement en faveur de la liberté d’expression et de la liberté de conscience incarne ce que l’Europe défend, ce qu’elle est, ce que nous sommes. Je le cite: «L’histoire n’est pas l’histoire quand les criminels fabriquent son encre et se passent la plume. Elle est la chronique de leurs alibis. Et ceux qui la lisent sans se brûler le cœur sont de faux témoins.»
BoualemSansal est aujourd’hui un citoyen européen âgé, malade, prisonnier politique, qui se défend seul face à un régime qui a récusé son avocat simplement parce que cet avocat était juif. Après l’adoption quasi unanime d’une résolution par notre Parlement en janvier dernier, j’appelle encore les institutions européennes à agir pour sa libération. Quasi unanime, parce que les groupes politiques de la Gauche et des Verts ont l’indignation sélective. Ils préfèrent soutenir un régime tyrannique plutôt que de prendre la défense d’un citoyen européen. Abjecte et anecdotique trahison, tant leurs combinaisons politiques et leurs calculs sont insignifiants face à la force de Sansal et de son combat.
Boualem Sansal aurait pu être un pont entre deux rives, et il est au contraire traité comme l’ennemi d’un système qui a décidé de le briser pour l’exemple. Fermer les yeux sur son sort, ce serait envoyer un signal glaçant à tous ceux qui osent encore penser et écrire librement. Ce serait trahir un homme, un œuvre et un combat exemplaires. C’est sa liberté qui est en jeu, mais c’est aussi la nôtre. Agissons!
Emma Rafowicz, au nom du groupe S&D. – Monsieur le Président, Madame la Commissaire, cela fait maintenant cent trente-sept jours que BoualemSansal croupit dans une prison algérienne. Cent trente-sept jours. Jeudi dernier, il a été condamné à une peine de cinq ans de prison par un tribunal algérien. Son crime, aux yeux du régime militaire? Avoir manié sa plume, acide et impertinente, avoir exercé son droit fondamental à la liberté d’expression. Il nous est impossible de rester sourds face à l’arbitraire, à la censure, au musellement de la création. Non, la place de BoualemSansal n’est pas dans les geôles d’une dictature. Je fais mienne la célèbre phrase que prononça le général de Gaulle après la signature par Jean-PaulSartre du Manifeste des121, pendant la guerre d’Algérie: «On n’emprisonne pas Voltaire.»
Comme beaucoup de mes collègues au Parlement, je ne suis pas non plus dupe. À l’extrême droite de cet hémicycle, vous n’avez que faire de la situation de BoualemSansal. Vous instrumentalisez la liberté d’expression de manière cynique pour servir votre programme raciste et xénophobe. Quand vous êtes au pouvoir, vous muselez les écrivains. Dans l’Italie de Meloni, c’est RobertoSaviano qui est intimidé, condamné et contraint au silence. Dans la Hongrie de ViktorOrbán, les écrivains sont censurés au nom de la protection des mineurs. Alors, chers collègues, exigeons sans détour ni compromis la libération immédiate de BoualemSansal!
Alors que les autoritaires progressent, que l’on interdit désormais des mots ou des livres dans un monde que l’on espérait libre, la gauche et les républicains doivent toujours être du côté des artistes, de leur liberté de création, de la liberté d’expression. Aucune voix ne doit manquer, sinon la gauche se désespère et se déshonore. BoualemSansal a besoin de soutien sincère et franc. Le silence est impossible. Notre action est une exigence totale.
Gilles Pennelle, au nom du groupe PfE. – Monsieur le Président, l’Algérie n’est pas une démocratie. Certains semblent le découvrir aujourd’hui. Voilà soixante-trois ans que ce régime tyrannique méprise et persécute la liberté d’expression. Ce régime, qui a complètement échoué, qui est une véritable faillite économique et sociale et qui se masque derrière une rente mémorielle au détriment de la France, est aujourd’hui sous les feux de l’actualité parce qu’il a enfermé dans ses prisons un grand écrivain franco-algérien.
Alors, oui, la liberté d’expression; mais que BoualemSansal ait 80ans ou qu’il en ait eu25, c’est le même problème: on l’a enfermé parce qu’il disait des choses qui ne plaisaient pas à ce gouvernement. En fin de compte, il y a des organisations terroristes qui prennent des otages, on le sait bien, mais il y a aussi des États qui prennent des otages. Car BoualemSansal n’est pas seulement un prisonnier d’opinion, c’est aussi un otage, qui permet à ce gouvernement de négocier je ne sais quel visa supplémentaire ou refus d’accepter les OQTF.
Moi aussi, je suis scandalisé par l’attitude de nos parlementaires de gauche, ici, dans ces travées, qui ont refusé de voter la libération de BoualemSansal. Pourquoi cela? Parce qu’il a dénoncé l’islamisme, et aujourd’hui une partie de la gauche française et européenne ne cache plus sa complicité avec l’islamisme.
Alors, je le dis: oui à la liberté de BoualemSansal! Mais la France n’a pas de leçons à donner à l’Algérie: elle persécute aussi ses opposants politiques, comme en témoigne le coup d’État judiciaire d’il y a deux jours contre MarineLePen.
Bernard Guetta, au nom du groupe Renew. – Monsieur le Président, Madame la Commissaire, il y a l’injustice et, pis encore, il y a ce qu’elle fait voir.
L’injustice, c’est la condamnation à cinq ans de prison, par la justice algérienne, deSansal, écrivain franco-algérien à qui ne sont reprochés que des délits d’opinion. Malade, âgé, innocent de tout crime et simple otage de tensions entre ses deux patries, BoualemSansal doit être libéré. Les autorités algériennes doivent d’autant plus en comprendre l’urgente nécessité que cette injustice est le fruit de deux dramatiques échecs, qu’il nous faut dépasser, pour le bien commun de l’Afrique et de l’Europe.
S’il n’y avait pas cet inacceptable et permanent conflit entre le Maroc et l’Algérie, le Maghreb serait aujourd’hui la Californie de la Méditerranée: riche, heureux et prospère. Avec une rive sud de la Mare Nostrum aussi unie que ne l’est sa rive nord, le Maghreb et l’Union européenne pourraient enfin parvenir à joindre leurs forces pour créer des emplois dans toute l’Afrique, industrialiser suffisamment ce continent et bientôt l’enrichir, pour que ses enfants n’aient plus à vouloir le quitter au péril de leur vie.
La France et l’Algérie, tout le Maghreb et toute l’Union avec elles, ont tout à faire ensemble pour leur prospérité commune. Ne tardons plus à agir et commençons par mettre un terme à une injustice en libérant BoualemSansal!
Alexander Sell, im Namen der ESN-Fraktion. – Herr Präsident! Der deutsch-türkische Journalist Deniz Yücel saß ein Jahr im Gefängnis in Istanbul– Erdoğans Richter warfen ihm Terrorpropaganda vor. Zwei Jahre zuvor hatte die EU-Kommission 6MilliardenEuro in die Türkei für die Versorgung syrischer Flüchtlinge überwiesen. Letzten Dezember erst hat Frau von der Leyen noch einmal 1Milliarde draufgelegt, weil wir bis heute nicht in der Lage sind, unsere Grenzen selbst zu schützen.
Einen ähnlichen Fall sehen wir jetzt in Algerien. Für Flüchtlinge hat der algerische Präsident Millionen von der EU bekommen, obwohl Algerien sehr viel Geld mit dem Export von Gas verdient. Seit sechs Monaten ist jetzt der Schriftsteller Sansal in Haft– auch der algerische Präsident schert sich wenig um Belehrungen aus Brüssel. Warum auch?
Die Annullierung der Wahl in Rumänien, die Kaltstellung von Le Pen in Frankreich oder die Bespitzelung der AfD in Deutschland zeigen, dass Freiheit und Demokratie gerade hier in Europa existenziell bedroht sind. Bevor wir heute wieder dem Rest der Welt gute Ratschläge geben, sollten wir deshalb erst mal vor der eigenen Tür kehren. Wir müssen unsere Demokratie in Europa verteidigen gegen ihre Feinde in Berlin, Paris und Brüssel.
Hadja Lahbib, Member of the Commission. – MrPresident, honourable Members, thank you for this rich debate, which confirms the importance that the European Union attaches to the promotion of human rights, also in its relations with partner countries.
This debate also shows the strong support that Boualem Sansal has in Europe. I hope – I really hope – this can be of some relief to him in the difficult situation in which he finds himself.
However, international sympathy and solidarity is obviously not enough. The only fair way out of this situation is his release, and this is our common goal. Now that a sentence has been pronounced, the role of diplomacy is even more important and evident and I assure you that the EU will continue its engagement with the Algerian authorities, calling for the rapid release of Boualem Sansal.