Résolution du Parlement européen du 10 mai 2023 sur les ressources propres: un nouveau départ pour les finances de l’Union, un nouveau départ pour l’Europe ()
Le Parlement européen,
–vu l’article311 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traitéFUE),
–vu sa résolution du 29mars2007 sur l’avenir des ressources propres de l’Union européenne(1),
–vu le règlement (UE)2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30juin2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) nº401/2009 et (UE)2018/1999 («loi européenne sur le climat»)(2),
–vu le rapport final contenant des recommandations du groupe de haut niveau sur les ressources propres intitulé «L’avenir du financement de l’Union européenne», adopté en décembre2016,
–vu la décision (UE, Euratom)2020/2053 du Conseil du 14décembre2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et abrogeant la décision2014/335/UE, Euratom(3),
–vu l’accord interinstitutionnel du16décembre2020 entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne sur la discipline budgétaire, la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière, ainsi que sur de nouvelles ressources propres, comportant une feuille de route en vue de la mise en place de nouvelles ressources propres(4) (ci-après, l’«accord interinstitutionnel»),
–vu sa résolution du 15décembre2022 sur l’amélioration du cadre financier pluriannuel2021-2027: un budget de l’Union résilient et adapté aux nouveaux défis(5),
–vu la proposition, présentée par la Commission, de décision du Conseil modifiant la décision(UE, Euratom)2020/2053 relative au système des ressources propres de l’Union européenne(),
–vu la communication de la Commission intitulée «La prochaine génération de ressources propres pour le budget de l’UE» (),
–vu sa position du 16septembre2020 sur le projet de décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union européenne(6),
–vu sa résolution du 12mai1965 sur les propositions de la Commission européenne relatives au financement de la Politique agricole commune(PAC) et à l’instauration de ressources propres pour la CEE(7),
–vu la décision du Conseil du 21avril1970 relative au remplacement des contributions financières des États membres par des ressources propres aux Communautés(8),
–vu le traité portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les Communautés européennes et du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes du 22avril1970(9) (traité de Luxembourg),
–vu les amendements qu’il a adoptés le 22juin2022 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union, la décision(UE)2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union et le règlement(UE)2015/757(10),
–vu les amendements qu’il a adoptés le 22juin2022 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières(11),
–vu sa position du 16décembre2020 sur le projet de règlement du Conseil fixant le cadre financier pluriannuel pour la période2021-2027(12),
–vu les conclusions du Conseil européen adoptées le21juillet2020,
–vu le projet pilote intitulé «Étude de faisabilité d’une réutilisation à visée sociale des actifs gelés et confisqués du fait des sanctions de l’Union adoptées après l’agression militaire russe contre l’Ukraine»(13),
–vu l’article54 de son règlement intérieur,
–vu les avis de la commission des affaires économiques et monétaires et de la commission des affaires constitutionnelles,
–vu la lettre de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire,
–vu le rapport de la commission des budgets (A9-0155/2023),
A.considérant que, en vertu de l’article311 du traitéFUE, l’Union doit se doter des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs et mener à bien ses politiques et que son budget doit être, sans préjudice des autres recettes, intégralement financé par des ressources propres; considérant que l’article311 du traitéFUE dispose également que le Conseil doit le consulter avant d’adopter une décision relative aux ressources propres;
B.considérant qu’un niveau élevé de contributions fondées sur le revenu national brut (RNB) rend les décisions budgétaires trop dépendantes des États membres; considérant que le budget de l’Union est également financé par des ressources propres véritables provenant des droits de douane et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), que les Étatsmembres ont tendance à considérer comme des contributions nationales au budget de l’Union;
C.considérant que la Cour de justice a arrêté que «l’exercice par le Parlement de sa compétence budgétaire en séance plénière constitue un moment fondamental de la vie démocratique de l’Union»(14);
D.considérant que la feuille de route en vue de la mise en place de nouvelles ressources propres contenue dans l’accord interinstitutionnel juridiquement contraignant invite les institutions à garder la question du financement du budget de l’Union au premier rang des priorités politiques afin de garantir une trajectoire viable de refinancement des dettes contractées dans le cadre de NextGenerationEU (NGEU) et stipule que la Commission pourrait inclure dans le deuxième panier de nouvelles ressources propres une taxe sur les transactions financières ainsi qu’une contribution financière en lien avec le secteur des entreprises ou une nouvelle assiette commune pour l’impôt sur les sociétés;
E.considérant que la nécessité de rembourser NGEU, les ondes de choc économiques et sociales causées par l’invasion non provoquée et injustifiée de l’Ukraine par la Russie, les lourdes répercussions de l’inflation sur le budget de l’Union, l’accélération de la course mondiale pour façonner l’avenir de la fabrication de technologies énergétiques propres, alimentée par des interventions publiques massives de puissances mondiales, comme c’est le cas aux États-Unis avec la loi sur la réduction de l’inflation, et d’autres défis qui s’annoncent pour l’Union soulignent le besoin de réévaluer le système de ressources propres de l’UE, en exploitant tout le potentiel de nouvelles ressources propres véritables afin d’assurer un financement du budget de l’Union durable sur le long terme;
F.considérant que la pandémie de COVID-19 a eu des répercussions majeures sur le tissu social et l’économie de l’Union, et qu’elle pose des enjeux à long terme pour notre relance économique et sociale; considérant que la pandémie a mis en évidence les importants besoins de financement en Europe, qui peuvent être mieux satisfaits par une action commune sur des politiques clés;
G.considérant que le rapport sur les résultats finaux de la conférence sur l’avenir de l’Europe du 9mai2022 comprend une proposition de l’assemblée plénière estimant que «l’Union doit tenir compte de l’impact social et économique de la guerre contre l’Ukraine et du lien entre sa gouvernance économique et le nouveau contexte géopolitique, en renforçant son propre budget au moyen de nouvelles ressources propres»; considérant que, dans le cadre de la conférence sur l’avenir de l’Europe(CoFoE), les citoyens européens ont proposé à la fois que le budget de l’Union soit renforcé au moyen de nouvelles ressources propres(15) et que le Parlement décide du budget de l’Union, comme c’est le droit des parlements au niveau national(16);
H.considérant qu’il a déjà fait connaître sa position en faveur de la suppression de l’ensemble des rabais et des corrections, de la simplification de la ressource propre fondée sur la TVA, de l’unité du budget européen et de l’utilisation des amendes et des redevances comme recettes supplémentaires pour le budget de l’Union;
I.considérant que la Commission a présenté une proposition législative en décembre2021 qui créera trois nouvelles catégories de ressources propres fondées, respectivement, sur le système d’échange de quotas d’émission(SEQE), sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et sur le premier pilier de la convention de l’Organisation de coopération et de développement économiques(OCDE) relative à l’imposition internationale des sociétés;
J.considérant que sa position du 23novembre2022 sur la proposition de décision du Conseil modifiant la décision (UE, Euratom)2020/2053 relative au système des ressources propres de l’Union européenne(17) validait dans l’ensemble cette proposition, la qualifiant d’étape importante, quoiqu’insuffisante; considérant que le Conseil poursuit son examen de la proposition;
K.considérant que l’adoption de la législation sectorielle relative au SEQE et au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est prévue au second semestre de2023; considérant que la convention multilatérale sur le premier pilier de l’accord de l’OCDE et sa mise en œuvre harmonisée au niveau de l’Union sont toujours en instance;
L.considérant que les premiers signes d’un effet politique positif de la ressource propre fondée sur le plastique non recyclé sont observés;
Arguments en faveur d’une réforme de la politique de l’Union en matière de recettes budgétaires
1.déclare que les finances de l’Union traversent actuellement une période critique, où l’absence de réformes porterait préjudice à l’avenir de l’Union européenne, à ses politiques, à ses objectifs ainsi qu’à la confiance des citoyens et des investisseurs dans l’Union;
2.insiste sur l’importance prépondérante et croissante du budget de l’Union dans la réalisation des objectifs politiques clés de l’Union, de ses programmes phares et de ses mécanismes de réaction en cas de crise; souligne que l’Union est confrontée à de multiples défis, qui sont notamment de construire son autonomie stratégique ouverte, notamment dans les domaines de la politique industrielle, de la santé, de l’espace, des denrées alimentaires, des matières premières, des produits chimiques et de la résilience, de se défaire de sa dépendance aux combustibles fossiles russes, de promouvoir les transitions écologique et numérique en ne laissant personne de côté, de lutter contre le changement climatique et la crise de la biodiversité, de concrétiser le socle européen des droits sociaux, de garantir l’égalité entre les femmes et les hommes, d’achever l’union de la santé et l’union de l’énergie et de financer des projets communs importants notamment dans les domaines de la coopération en matière de défense, de la protection civile et de l’espace; rappelle que la Commission a déclaré que les besoins imprévus engendrés par la guerre en Europe dépassent largement les moyens disponibles au titre du cadre financier pluriannuel (CFP) actuel; estime que toute nouvelle politique et tout nouveau défi pour l’Union exige de nouveaux moyens financiers et de nouvelles ressources supplémentaires;
3.réaffirme, à cet égard, qu’un financement robuste, fiable et résilient du budget de l’Union suppose un éventail de ressources propres diversifié et élargi; est convaincu qu’une réforme bien conçue des ressources propres de l’Union peut ouvrir d’immenses possibilités, non seulement en termes de renforcement du financement des besoins budgétaires de l’Union, mais également en termes d’amélioration des résultats de ses politiques, de l’équilibre budgétaire entre l’Union et les États membres et de la valeur du financement public en général;
4.rappelle que l’Union a l’obligation de rembourser le principal et les intérêts des fonds empruntés au titre du plan de relance pour l’Europe; rappelle, à cet égard, que les institutions de l’Union ont adopté un «plan de remboursement» qui consiste en un accord interinstitutionnel juridiquement contraignant établissant une feuille de route pour la mise en place de nouvelles ressources propres afin de couvrir intégralement les frais d’emprunt; rappelle, à ce titre, que la noteAAA de l’Union en tant qu’emprunteur quasi-souverain dépend, entre autres, de la fiabilité et de la crédibilité dont font preuve les institutions dans le respect de leur engagement politique à mettre en place de nouvelles ressources propres; rappelle que les frais de remboursement de l’instrument de l’Union européenne pour la relance (EURI) et leurs fluctuations ont déjà une incidence négative sur le budget de l’Union et demande à nouveau à la Commission d’aborder la question de l’EURI lors de la révision à mi-parcours du CFP et de placer la ligne budgétaire correspondante au-dessus des plafonds du CFP;
5.rappelle sa position du 23novembre2022 sur la proposition de modification de la décision relative aux ressources propres; rappelle qu’il a, de manière générale, approuvé l’initiative visant à mettre en place trois nouvelles sources de recettes fondées sur le SEQE, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et les produits du premier pilier de l’OCDE;
6.espère vivement que les ressources propres fondées sur le SEQE et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières permettront enfin de répondre à la demande, formulée de longue date, que les recettes de l’Union soient davantage liées aux politiques en faveur de l’environnement, ainsi qu’à la nécessité d’intégrer la dimension climatique dans l’ensemble des politiques de dépenses et de recettes; observe que les négociations sectorielles relatives au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et au SEQE ont abouti à un accord; se réjouit que les dispositions juridiques qui en résultent dans la directive relative au SEQE et le règlement relatif au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières restent pleinement compatibles avec la proposition relative aux ressources propres; demande aux institutions de l’Union d’évaluer en détail leurs conséquences sur les recettes estimées; demande instamment que ces analyses ne servent pas de prétexte pour empêcher la prise des décisions et demande au Conseil de procéder le plus rapidement possible à l’adoption des textes juridiques correspondants; reconnaît en outre qu’à très long terme, si le processus de décarbonation se poursuit comme prévu, les revenus tirés des ressources propres écologiques diminueront;
7.relève que la mention qui figure actuellement dans la proposition relative aux ressources propres de ressources propres provenant des produits de l’accord sur le premier pilier de l’OCDE/G20 devra être mise à jour suivant la convention multilatérale et la directive connexe de l’Union relative à la mise en œuvre harmonisée de ses dispositions dans les États membres de l’Union; est toutefois fortement préoccupé par le fait que les négociations sur la réforme du premier pilier à l’échelle internationale avancent trop lentement au niveau mondial;
8.estime que ces nouvelles ressources propres sont nécessaires pour éviter à la prochaine génération d’Européens de devoir supporter le coût du remboursement du principal et des intérêts des fonds empruntés dans le cadre de NextGenerationEU, soit par le biais d’un alourdissement de la charge pesant sur les contribuables, soit par le biais de coupes dans les programmes ordinaires de l’Union qui auraient des conséquences directes pour leurs bénéficiaires et les porteurs de projets; est fermement convaincu que les institutions et les acteurs politiques de l’Union devraient communiquer plus clairement aux citoyens sur l’intérêt du budget de l’Union et de ses recettes; prend acte de la demande légitime des Européens d’une plus grande justice sociale et fiscale; met en garde contre toute tentative de réduire le financement des politiques ordinaires de l’Union afin de dégager des marges pour le remboursement de la dette de l’Union, car cela mettrait en péril la réalisation des objectifs de l’Union à long terme, tels que la convergence économique, sociale et territoriale, la recherche et l’innovation ou encore les transitions écologique et numérique;
9.déplore que le mode actuel de financement du budget de l’Union le rende dépendant de contraintes budgétaires nationales, d’où une pression à la baisse sur son volume global –déjà modeste– et une logique de «juste retour» quelque peu en décalage avec le principe de solidarité qui est au cœur de l’intégration européenne; estime que cette structure est l’une des principales raisons pour lesquelles l’Union peine à remplir efficacement l’ensemble de ses missions et de ses engagements; est profondément préoccupé par la lenteur des progrès dans la modernisation du système des ressources propres depuis la création des Communautés européennes;
10.regrette que le Conseil n’ait pas encore approuvé le premier panier de nouvelles ressources propres; demande aux États membres réunis au sein du Conseil d’adopter d’urgence le premier panier de ressources propres datant du 14décembre2021, sans plus tarder; est toutefois fortement préoccupé par le fait que le montant des recettes que généreront ces nouvelles ressources propres ne suffira pas à couvrir l’ensemble des coûts de remboursement et d’emprunt liés à NGEU (estimés à au moins 15milliards d’EUR par an en moyenne jusqu’à2058); demande donc à la Commission de présenter la nouvelle série de propositions dès que possible et au troisième trimestre2023 au plus tard; demande instamment que ces propositions tiennent compte de ses priorités exposées dans la présente résolution;
Diversification des sources de financement de l’Union et recherche d’un nouvel équilibre des recettes
11.prie instamment l’ensemble des acteurs de poursuivre leurs efforts pour recenser de nouvelles ressources propres, inédites et de préférence véritables, ainsi que d’autres sources de recettes pour le budget de l’Union, afin de couvrir en totalité les dépenses globales escomptées pour le remboursement du principal et des intérêts des fonds empruntés au titre de NGEU et de renforcer le budget de l’Union, ce qui suppose d’abandonner le «dogme» d’un budget de l’Union limité à 1% du PIB de l’Union; estime que l’introduction de nouvelles ressources propres allant au-delà de l’accord interinstitutionnel juridiquement contraignant apporterait des avantages à long terme, non seulement pour la réalisation des politiques de l’Union, mais aussi pour préserver la position de l’Union en tant qu’émetteur de dette crédible et intelligent;
12.souligne que le montant des ressources propres supplémentairesde l’Union doit être suffisant, non seulement pour couvrir le service de la dette des obligations européennes, notamment les intérêts encourus, mais également pour soutenir et faciliter les investissements de l’Union nécessaires après 2026;
13.estime que le volet des recettes du budget de l’Union devrait être utilisé de manière stratégique pour renforcer la compétitivité et la durabilité de l’Union et pour promouvoir l’innovation dans l’Union, ainsi que la justice sociale, fiscale et environnementale; souligne qu’il convient de compléter les ressources propres écologiques par des ressources propres fondée sur l’impôt des sociétés pour des raisons de suffisance, d’équivalence fiscale (ceux qui tirent parti de l’Union et de ses marchés ouverts doivent aussi contribuer dans une juste proportion à son financement) et d’équité de la distribution globale entre les États membres et les secteurs;
14.souligne que les crises du climat et de la biodiversité créent une nécessité de mobiliser davantage de ressources et de réévaluer les politiques incitatives actuelles de l’Union; est convaincu que le volet des recettes du budget de l’Union peut être utilisé à la fois pour dissuader certains comportements négatifs et pour permettre des investissements en vue de réaliser la transition verte vers une économie neutre en carbone; souligne l’importance de ces politiques pour atteindre les objectifs à l’horizon2030 et2050, notamment en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’abandon progressif des combustibles fossiles;
Imposition des sociétés (BEFIT)
15.attend avec intérêt la prochaine initiative de la Commission «Entreprises en Europe: cadre pour l’imposition des revenus»(BEFIT), prévue pour le troisième trimestre2023; invite instamment la Commission à proposer un corpus réglementaire unique en matière d’impôt à l’échelle de l’Union, ayant pour éléments constitutifs principaux une assiette commune et la répartition des bénéfices entre les États membres au moyen d’une formule de répartition de l’impôt sur les sociétés reposant sur les règles BEFIT, qui constituerait une nouvelle ressource propre conforme à l’esprit de la feuille de route; attend de la nouvelle approche appliquée à cette ressource propre fondée sur l’impôt des sociétés qu’elle permette de traiter les difficultés liées aux divergences nationales en matière d’imposition des sociétés qui ont, jusqu’à présent, empêché la mise en place d’une ressource propre dans ce domaine et qu’elle dispose d’un champ d’application large, qui couvre davantage de sociétés opérant au sein du marché unique que les seules grandes et plus rentables multinationales couvertes par l’accord sur le premier pilier de l’OCDE; avertit que, si les négociations concernant le premier pilier de l’OCDE ne sont pas conclues dans un délai raisonnable, la Commission devrait envisager d’autres sources de recettes venant des grandes entreprises actives dans le marché unique;
Un «mécanisme d’ajustement équitable aux frontières» de l’Union
16.déplore que les chaînes de production de certains produits qui entrent sur le marché unique de l’Union englobent des travailleurs de pays tiers qui ne reçoivent pas un salaire décent et, dans certains cas, vivent dans une extrême pauvreté; souligne que l’importation de ces produits dans l’Union entraîne une concurrence déloyale («dumping social»);
17.invite dès lors la Commission à réaliser une consultation des parties prenantes et une analyse d’impact approfondie concernant une éventuelle proposition législative relative à un «mécanisme d’ajustement équitable aux frontières», exigeant des entreprises qui importent des marchandises sur le marché unique de l’Union qu’elles versent aux travailleurs employés dans des pays tiers dans leur chaîne d’approvisionnement mondiale un salaire journalier supérieur au seuil de pauvreté correspondant et suffisant pour leur permettre d’échapper à la pauvreté absolue, telle que définie par les organisations internationales compétentes; souligne que si une entreprise importe sur le marché unique de l’Union des produits fabriqués dans des pays tiers par des travailleurs dont le salaire est inférieur à un seuil de pauvreté fixé, en violation d’une telle législation, elle devrait payer une redevance équivalente à la différence entre ce seuil et le salaire effectivement perçu par ses travailleurs; estime que le produit des redevances obtenues dans le cadre de l’exécution d’une telle mesure devrait alimenter le budget de l’Union; attend de la Commission qu’elle fournisse une estimation de l’incidence d’une telle mesure sur les conditions de travail dans les pays tiers, ainsi que de sa compatibilité avec les règles pertinentes de l’OMC; estime qu’une telle mesure pourrait renforcer la compétitivité des entreprises productrices dans l’Union qui respectent certaines normes de travail, conditions de travail et niveaux de salaires; invite la Commission, lors de l’examen d’un éventuel «mécanisme d’ajustement équitable aux frontières», à tenir compte des enseignements tirés des mécanismes comparables existants dans l’Union et dans le monde, tels que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières;
Taxe sur les transactions financières (TTF)
18.demande une nouvelle fois à la Commission de couvrir les services financiers, y compris les transactions financières, dans son deuxième panier de ressources propres; invite par conséquent la Commission à envisager une TTF couvrant l’ensemble de l’Union; demande instamment, à cet égard, à la Commission et aux États membres participant aux négociations sur la coopération renforcée, de faire tout leur possible pour parvenir à un accord sur la TTF avant la fin du mois de juin2023; encourage les autres États membres à y adhérer; considère que la TTF en tant que ressource propre constitue une recette à fort potentiel, qui faciliterait le remboursement de la dette de NextGenerationEU et apporterait plus de moyens pour financer les priorités de l’Union; souligne que toute proposition devrait être accompagnée d’une analyse d’impact approfondie, contribuer aux objectifs politiques de l’Union et respecter le principe de subsidiarité;
19.attire l’attention sur l’augmentation des rachats d’actions au sein de l’Union; invite la Commission à évaluer la faisabilité d’un droit d’accise sur le rachat d’actions par les entreprises, car cela permettrait de générer de nouvelles ressources, tout en décourageant cette pratique de plus en plus répandue qui récompense les actionnaires étrangers au détriment des investissements; invite la Commission, à cet égard, à évaluer l’incidence potentielle d’un tel droit d’accise sur le marché unique en amont de toute proposition future; invite la Commission à évaluer, comme autre option, un cadre commun et normalisé en matière de retenue à la source;
Taxe sur les cryptomonnaies
20.suggère la création d’une taxe européenne sur les crypto-actifs, dont le produit alimenterait le budget européen au titre de nouvelle ressource propre; souligne que le marché mondial des crypto-actifs connaît une croissance rapide (bien qu’instable) depuis la crise de2008, sachant que sa capitalisation a atteint 2000milliards d’EUR en mai2021; relève que les crypto-actifs sont de plus en plus considérés comme de véritables moyens de paiement et inscrits dans des stratégies d’investissement; souligne qu’il est plus efficace de réglementer et de taxer les crypto-actifs au niveau de l’Union qu’au niveau national, étant donné leur grande mobilité et leur dimension transfrontière; souligne, à cet égard, qu’une taxe européenne sur les crypto-actifs favoriserait l’émergence d’un cadre fiscal harmonisé applicable aux crypto-actifs, serait davantage cohérente avec le caractère transfrontière du marché des crypto-actifs et encouragerait l’adoption de normes fiscales au niveau mondial;
21.souligne que différentes possibilités sont envisageables pour l’imposition des crypto-actifs, notamment un impôt sur les plus-values résultant d’activités sur crypto-actifs (fondé sur un taux de prélèvement uniforme dans tous les États membres), une taxe sur les transactions en crypto-actifs ou une taxe sur le minage et l’échange de crypto-actifs fixée en fonction de leur consommation d’électricité et de leur incidence sur l’environnement; demande à la Commission d’évaluer les effets de ces différentes possibilités sur le marché européen des crypto-actifs, d’en estimer les recettes potentielles et de présenter une proposition concrète;
Économie numérique
22.rappelle que dans sa position susvisée du 23novembre2022, il a déclaré qu’en cas d’absence manifeste de progrès au niveau de l’OCDE concernant la convention multilatérale d’ici à la fin2023, il conviendrait de présenter une proposition législative relative à une redevance numérique ou à une mesure similaire qui puisse être mise en œuvre unilatéralement et servir de base à une ressource propre de l’Union afin de générer des recettes dès2026; se félicite que le débat sur la contribution des grands fournisseurs de contenus numériques aux coûts du réseau soit toujours en cours;
23.observe, en outre, que l’essor de l’économie fondée sur les données en Europe a conduit à un envol des échanges de données, notamment pendant la pandémie, et à d’importants bénéfices économiques pour les grandes entreprises de l’internet et du secteur des télécommunications dans son ensemble; est conscient de l’incidence environnementale des flux de données; demande à la Commission de recenser et d’évaluer les mesures permettant d’optimiser ces échanges de données et d’en limiter l’empreinte carbone, y compris au moyen d’incitations financières;
Ressources propres fondées sur les statistiques
24.estime que des ressources propres sous forme de contributions nationales fondées sur les statistiques, qui inciteraient les États membres à mettre en œuvre de manière résolue les politiques adoptées au niveau de l’Union et leur apporteraient une contrepartie lorsqu’ils le font, pourraient présenter une grande valeur ajoutée; demande à la Commission de procéder à des évaluations et à des simulations de l’incidence de telles contributions nationales calculées à partir des statistiques disponibles dans les domaines sociaux ou environnementaux pour lesquels Eurostat publie chaque année des données robustes, fiables, communes et harmonisées;
25.estime que le champ d’application et le taux d’appel précis de telles contributions nationales fondées sur les statistiques pourraient être gradués et calibrés de manière à garantir l’équité de la distribution globale de ce nouveau panier de ressources propres; maintient qu’un tel panier complet et bien calibré de ressources propres pourrait dès lors remplacer et rendre superflus les réductions artificielles, rabais forfaitaires ou mécanismes de correction au niveau des recettes, lesquels nuisent à la cohérence et à la puissance incitative de la politique des ressources propres;
26.demande, en particulier, la mise en place d’une ressource propre fondée sur l’écart salarial entre les hommes et les femmes; souligne qu’au titre de ce mécanisme, une partie des contributions fondées sur le RNB seraient remplacées par une nouvelle clé de répartition qui obligerait les États membres dans lesquels l’écart salarial entre les hommes et les femmes est plus élevé à contribuer davantage que ceux où il l’est moins, de manière proportionnelle;
27.demande que soit étudiée la possibilité d’instaurer de nouvelles ressources propres liées à d’autres types de déchets que les emballages en plastique, ce qui inciterait notamment les États membres à réutiliser et à valoriser une plus grande proportion de déchets et contribuerait ainsi à la réalisation de l’objectif d’une économie circulaire;
28.demande la mise en place d’une ressource propre fondée sur les biodéchets; souligne qu’au titre de ce mécanisme, une partie des contributions fondées sur le RNB seraient remplacées par une nouvelle clé de répartition qui obligerait les États membres qui recyclent moins leurs biodéchets à contribuer davantage que ceux qui le font plus; demande à la Commission d’évaluer s’il serait envisageable de mettre en place également un mécanisme d’incitation en vue de réduire la production de déchets dangereux et d’aider à leur décontamination pour faciliter leur recyclage;
29.demande la mise en place d’une ressource propre fondée sur les déchets alimentaires; souligne qu’au titre de ce mécanisme, une partie des contributions fondées sur le RNB seraient remplacées par une nouvelle clé de répartition qui obligerait les États membres à payer des contributions en fonction du volume de déchets alimentaires générés au cours d’une année donnée; estime qu’une telle ressource propre inciterait les États membres à mettre en œuvre des politiques de réduction des déchets alimentaires dans la chaîne de production et durant la phase de consommation;
Sources de recettes autres que les ressources propres
30.réaffirme qu’il convient que toute recette publique générée par la mise en œuvre de politiques de l’Union, l’application de la règlementation de l’Union ou l’utilisation d’infrastructures financées par l’Union vienne, par défaut et afin de mutualiser les bénéfices, alimenter le budget de l’Union, au titre de ressource propre ou de recette autre, notamment lorsque sa perception, son encaissement et le contrôle de celles-ci sont orchestrés de manière centralisée par une institution de l’Union; demande à la Commission, lorsqu’elle élabore des propositions, ainsi qu’au Parlement et au Conseil, en leur qualité de colégislateurs, d’adopter cette approche transversale dans leurs travaux législatifs;
31.demande instamment que les recettes budgétaires sous forme de prélèvements, redevances –telles que celles qui seront prélevées sur les exemptions de visa lorsque le système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages entrera en vigueur–, primes sur les émissions excédentaires, amendes pour infractions aux règles de concurrence et autres droits similaires fassent partie intégrante du budget annuel; reconnaît qu’en vertu du traitéFUE, il importe que ces recettes autres restent secondaires par rapport aux ressources propres, lesquelles, au titre de l’article311, doivent rester la première source de financement du budget de l’Union;
32.attire l’attention sur le cas particulier que constituent les produits provenant du prononcé de peines dans des affaires pénales et, plus particulièrement, de la confiscation d’avoirs en cas de non-respect de sanctions de l’Union; demande que la Commission évalue en détail la manière dont ces produits ou sanctions collectés par les autorités des États membres pourraient être mis à disposition du budget de l’Union en tant que ressources propres; est favorable à l’idée de faire des produits de la confiscation et de la monétisation des avoirs résultant d’activités criminelles une ressource propre de l’Union; est favorable à l’idée de mettre les produits de la confiscation et de la monétisation des avoirs russes à disposition des efforts de rétablissement économique et de reconstruction de l’Ukraine; suggère que ces produits transitent par le budget général de l’Union et qu’une structure de gouvernance soit mise en place, à laquelle participent les parlements ukrainiens et européens;
La légitimité budgétaire doit être garantie par des représentants élus: considérations constitutionnelles, procédurales et historiques
33.rappelle que le débat sur les sources du financement de l’intégration européenne a une longue et riche histoire; rappelle que l’article49 du traité de Paris du 18avril1951 instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier disposait que «la Haute Autorité est habilitée à se procurer les fonds nécessaires à l’accomplissement de sa mission en établissant des prélèvements sur la production de charbon et d’acier [et] en contractant des emprunts»;
34.souligne que l’article201 du traité de Rome du 25mars1957 instituant la Communauté économique européenne disposait que «la Commission étudiera dans quelles conditions les contributions financières des États membres [...] pourraient être remplacées par des ressources propres, notamment par des recettes provenant du tarif douanier commun lorsque celui-ci aura été définitivement mis en place»;
35.rappelle que les chefs d’État ou de gouvernement des Six, dans le communiqué final du sommet de La Haye du 2décembre1969, «[ont convenu] de remplacer progressivement [...], en tenant compte de tous les intérêts en cause, les contributions des pays membres par des ressources propres [c’est-à-dire des Communautés] dans le but d’arriver à terme au financement intégral des budgets des Communautés [...] et de renforcer les pouvoirs budgétaires du Parlement européen»;
36.regrette qu’en dépit de ces obligations consacrées par le droit primaire, seules deux nouvelles ressources propres aient été mises en place depuis le traité de Luxembourg de 1970, à savoir la contribution fondée sur le RNB, en1988, et la ressource propre fondée sur les déchets d’emballages en plastique non recyclés, en2021;
37.fait valoir les mérites de la ressource propre fondée sur le RNB, qui remplit de manière fiable sa fonction d’équilibrage; déplore que les contributions nationales continuent d’occuper une place prédominante, environ 80% à l’heure actuelle, dans le système des ressources propres; relève la part modeste des ressources propres traditionnelles et véritables, notamment les droits de douane, qui s’établit aujourd’hui à environ 13%;
38.en conclut que le financement actuel du budget de l’Union est contraire aux intentions des pères fondateurs et à l’esprit des traités;
39.rappelle qu’il dispose de compétences consultatives s’agissant de la décision relative aux ressources propres; est convaincu qu’il devrait se voir accorder un rôle renforcé, en sa qualité d’autorité législative et budgétaire, dans la législation sous-jacente, ainsi que dans la procédure budgétaire annuelle relative au volet des recettes et aux niveaux d’endettement;estime, en outre, qu’il devrait jouer un rôle accru dans le processus décisionnel relatif aux ressources propres afin de garantir la visibilité, la légitimité et la responsabilité démocratique des finances publiques de l’Union;
40.rappelle que les arrangements relatifs aux ressources propres devraient être guidés par les objectifs généraux desimplicité, de transparence et d’équité; répète sa position selon laquelle les rabais et autres mécanismes de correction devraient être supprimés;
41.souligne qu’il est urgent de réaliser des progrès en matière de nouvelles ressources propres au-delà du deuxième panier inclus dans l’accord interinstitutionnel; rappelle aux États membres que les négociations multilatérales relatives au cadre financier pluriannuel pour l’après2027 sont fondamentalement liées aux négociations sur les ressources propres et à la disponibilité suffisante de ressources propres; se tient prêt à faire usage de l’ensemble de ses compétences budgétaires pour garantir des progrès patents et véritables en matière de ressources propres;
o oo
42.charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et aux parlements nationaux.