Résolution du Parlement européen du 26 novembre 2024 sur la décision d’exécution (UE) 2024/2628 de la Commission renouvelant l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du maïs génétiquement modifié MON89034×1507×NK603, consistant en ce maïs ou produits à partir de celui-ci, en application du règlement(CE)nº1829/2003 du Parlement européen et du Conseil ()
Le Parlement européen,
–vu la décision d’exécution (UE) 2024/2628 de la Commission renouvelant l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du maïs génétiquement modifié MON89034×1507×NK603, consistant en ce maïs ou produits à partir de celui-ci, en application du règlement(CE)nº1829/2003 du Parlement européen et du Conseil(1),
–vu le règlement(CE)nº1829/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22septembre2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés(2), et notamment son article11, paragraphe3, et son article23, paragraphe3,
–vu que le comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, visé à l’article35 du règlement(CE) nº1829/2003, a décidé, par vote du 8juillet2024, de ne pas rendre d’avis, et que le comité d’appel a décidé, par vote du 3septembre2024, de ne pas non plus rendre d’avis,
–vu l’article11 du règlement(UE)nº182/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16février2011 établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission(3),
–vu l’avis adopté par l’Autorité européenne de sécurité des aliments(EFSA) le 13mars2024 et publié le 29avril2024(4),
–vu ses résolutions précédentes s’opposant à l’autorisation d’organismes génétiquement modifiés (ci-après«OGM»)(5),
–vu l’article115, paragraphes2 et3, de son règlement intérieur,
–vu la proposition de résolution de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire,
A.considérant que, le 21octobre2022, CortevaAgriscienceBelgiumBV, établie en Belgique, au nom de CortevaAgriscienceLLC, établie aux États-Unis, et BayerAgricultureBV, établie en Belgique, au nom de BayerCropScienceLP, établie aux États-Unis, ont présenté ensemble à la Commission une demande de renouvellement de l’autorisation du maïs génétiquement modifié MON89034×1507×NK603 (ci-après le «maïs génétiquement modifié»);
B.considérant que, le 13mars2024, l’EFSA a adopté un avis favorable, qui a été publié le 26avril2024;
C.considérant que le maïs génétiquement modifié contient des gènes conférant une résistance au glyphosate et produit des protéines insecticides («toxinesBt»);
Manque d’évaluation de l’herbicide complémentaire
D.considérant que le règlement d’exécution(UE)nº503/2013 de la Commission(6) impose une évaluation de l’influence éventuelle des pratiques agricoles attendues sur l’expression des critères étudiés; que, selon ce règlement d’exécution, cette évaluation est particulièrement utile pour les plantes tolérantes aux herbicides;
E.considérant que la grande majorité des cultures génétiquement modifiées l’ont été afin de les rendre tolérantes à un ou plusieurs herbicides «complémentaires» qui peuvent être utilisés tout au long de la culture de la plante génétiquement modifiée sans que celle-ci ne meure, comme ce serait le cas pour une culture non tolérante aux herbicides; qu’il ressort de plusieurs études que les cultures génétiquement modifiées tolérantes aux herbicides entraînent une augmentation de l’utilisation d’herbicides «complémentaires», du fait notamment de l’apparition de plantes adventices tolérantes aux herbicides(7);
F.considérant que les cultures génétiquement modifiées tolérantes aux herbicides enferment les agriculteurs dans un système de gestion des plantes adventices qui dépend en grande partie ou entièrement des herbicides, en raison de l’imposition d’un supplément pour les semences génétiquement modifiées qui ne peut se justifier que si les agriculteurs qui achètent ces semences pulvérisent également les herbicides complémentaires; qu’une dépendance accrue à l’égard des herbicides complémentaires dans les exploitations qui cultivent des OGM accélérera l’émergence et la propagation de plantes adventices résistantes à ces herbicides, ce qui rendra nécessaire d’utiliser encore plus d’herbicides, un cercle vicieux appelé «le tapis roulant à herbicides»;
G.considérant que les effets néfastes d’une dépendance excessive aux herbicides dégraderont la santé des sols, la qualité de l’eau et la biodiversité des sols comme la biodiversité de surface, et entraîneront une augmentation de l’exposition humaine et animale, éventuellement aussi par la plus grande présence de résidus d’herbicides sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux;
H.considérant que l’EFSA a conclu en novembre2015 que le glyphosate n’était probablement pas carcinogène, et que l’Agence européenne des produits chimiques a conclu en mars2017 que rien ne justifiait de le classer comme tel; qu’en2015, le Centre international de recherche sur le cancer (l’agence de l’Organisation mondiale de la santé spécialisée dans la recherche sur le cancer) a, au contraire, classé le glyphosate comme étant probablement carcinogène pour l’homme; que plusieurs études scientifiques récentes validées par la communauté scientifique confirment la carcinogénicité du glyphosate(8);
I.considérant que l’évaluation des résidus d’herbicides et des métabolites trouvés dans les plantes génétiquement modifiées est considérée comme ne relevant pas des compétences du groupe scientifique de l’EFSA sur les organismes génétiquement modifiés et qu’elle n’est donc pas réalisée dans le cadre de la procédure d’autorisation des OGM;
Questions en suspens concernant les toxinesBt
J.considérant que plusieurs études indiquent que des effets secondaires susceptibles de perturber le système immunitaire à la suite d’une exposition aux toxinesBt ont été observés et que certaines toxinesBt pourraient avoir des propriétés adjuvantes(9), ce qui signifie qu’elles pourraient renforcer l’allergénicité d’autres protéines avec lesquelles elles entrent en contact;
K.considérant qu’une étude scientifique a montré que la toxicité des toxinesBt pouvait également être renforcée par l’interaction avec les résidus de la pulvérisation d’herbicides et qu’il était nécessaire de réaliser des études supplémentaires sur les effets combinatoires des événements «empilés» (cultures génétiquement modifiées qui ont été modifiées pour être tolérantes aux herbicides et produire des insecticides sous la forme de toxinesBt)(10); que l’évaluation des éventuelles interactions des résidus d’herbicides et de leurs métabolites avec les toxinesBt est toutefois considérée comme ne relevant pas des compétences du groupe scientifique de l’EFSA sur les OGM et qu’elle n’est donc pas réalisée dans le cadre de l’évaluation des risques;
CulturesBt: effets sur les organismes non ciblés
L.considérant que, contrairement à l’utilisation d’insecticides, où l’exposition a lieu au moment de la pulvérisation puis pendant une durée limitée suivant cette opération, l’utilisation de culturesBt génétiquement modifiées entraîne une exposition continue des organismes ciblés et non ciblés aux toxinesBt;
M.considérant qu’il n’est plus possible de considérer que les toxinesBt constituent un mode d’action ciblé unique et d’exclure les effets sur les organismes non ciblés; que de plus en plus d’organismes non ciblés seraient touchés de différentes manières; qu’une récente étude cite 39publications soumises à un comité de lecture qui font état des effets particulièrement néfastes des toxinesBt sur de nombreuses espèces «hors cible»(11);
Observations des États membres et des parties concernées
N.considérant que les États membres ont adressé de nombreuses observations critiques à l’EFSA pendant les troismois qu’a duré la consultation(12), notamment que la liste des études pertinentes, recensées dans l’examen de la littérature du demandeur, ne comportait pas d’études sur le devenir des protéinesBt dans l’environnement ni sur les effets éventuels des résidus de culturesBt sur les organismes non ciblés, alors même que de telles études existent;
Garantir des conditions de concurrence équitables au niveau mondial et respecter les obligations internationales de l’Union
O.considérant que, dans les conclusions du dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture dans l’UE(13), la Commission est invitée à reconsidérer son approche de l’accès des importations et des exportations agroalimentaires aux marchés étant donné les difficultés découlant de normes divergentes entre l’Union et ses partenaires commerciaux; que, lors des manifestations de2023 et 2024, l’une des grandes revendications des agriculteurs concernait l’instauration, à l’échelon mondial, de relations commerciales plus équitables et compatibles avec les objectifs d’un environnement sain;
P.considérant que, selon un rapport de la rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à l’alimentation de2017, les pesticides dangereux ont des effets catastrophiques sur la santé, notamment dans les pays en développement(14); que l’objectif de développement durable3.9 des Nations unies vise, d’ici2030, à réduire nettement le nombre de décès et de maladies dus à des substances chimiques dangereuses, à la pollution et à la contamination de l’air, de l’eau et du sol;
Q.considérant que le cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal (ci-après le «cadre de Kunming-Montréal»), adopté lors de la COP15 de la convention des Nations unies sur la diversité biologique en décembre2022, comprend un objectif mondial de réduction des risques liés aux pesticides d’au moins 50% d’ici2030(15);
R.considérant que le règlement(CE) nº1829/2003 dispose que les denrées alimentaires ou aliments pour animaux génétiquement modifiés ne doivent pas avoir des effets négatifs sur la santé humaine, la santé animale ou l’environnement, et oblige la Commission, lorsqu’elle prépare sa décision, à tenir compte de toute disposition pertinente du droit de l’Union et d’autres facteurs légitimes utiles pour la question examinée; que les obligations de l’Union en vertu des objectifs de développement durable des Nations unies et de la convention des Nations unies sur la diversité biologique devraient faire partie de ces facteurs légitimes;
Réduction de la dépendance à l’égard des aliments pour animaux importés
S.considérant que l’un des enseignements tirés de la crise de la COVID–19 et de la guerre qui se poursuit en Ukraine est que l’Union doit mettre fin à sa dépendance à l’égard de certaines matières critiques; que, dans sa lettre de mission à ChristopheHansen, commissaire désigné, la présidente de la Commission, UrsulavonderLeyen, lui demande d’examiner les moyens de réduire les importations de produits de base critiques(16);
Processus décisionnel nondémocratique
T.considérant qu’au cours de sa huitième législature, le Parlement a adopté au total 36résolutions par lesquelles il s’est opposé à la mise sur le marché d’OGM destinés à l’alimentation humaine et animale (33résolutions) et à la culture d’OGM dans l’Union (troisrésolutions); qu’au cours de sa neuvièmelégislature, le Parlement a adopté 38résolutions par lesquelles il s’est opposé à la mise sur le marché d’OGM;
U.considérant que si elle reconnaît elle-même les lacunes démocratiques, le soutien insuffisant des Étatsmembres et les objections du Parlement, la Commission continue d’autoriser les OGM;
V.considérant qu’il n’est pas nécessaire de modifier la législation pour que la Commission puisse s’abstenir d’autoriser des OGM en l’absence d’une majorité qualifiée d’Étatsmembres favorables au sein du comité d’appel(17);
W.considérant qu’au terme du vote du8juillet2024 au sein du comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux visé à l’article35 du règlement(CE)nº1829/2003, aucun avis n’a été rendu, ce qui signifie que l’autorisation n’a pas été soutenue par une majorité qualifiée d’États membres; que, lors de son vote du3septembre2024, le comité d’appel n’a pas non plus rendu d’avis;
1.considère que la décision d’exécution (UE) 2024/2628 excède les compétences d’exécution prévues dans le règlement(CE) nº1829/2003;
2.estime que la décision d’exécution (UE) 2024/2628 n’est pas conforme au droit de l’Union, en ce qu’il n’est pas compatible avec l’objectif du règlement(CE) nº1829/2003, qui est, conformément aux principes généraux prévus dans le règlement(CE) nº178/2002 du Parlementeuropéen et du Conseil(18), d’établir le fondement permettant de garantir, en ce qui concerne les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés, un niveau élevé de protection de la vie et de la santé humaines, de la santé et du bien-être des animaux, de l’environnement et des intérêts des consommateurs, tout en assurant le bon fonctionnement du marché intérieur;
3.invite la Commission à garantir la convergence des normes entre l’Union et ses partenaires dans le cadre des négociations d’accords de libre-échange, afin de respecter les normes de sécurité de l’Union;
4.demande à la Commission d’abroger la décision d’exécution (UE) 2024/2628 et de soumettre un nouveau projet au comité;
5.prie la Commission de ne pas autoriser les cultures génétiquement modifiées tolérantes aux herbicides, car cela entraînerait une hausse de l’utilisation d’herbicides complémentaires et augmenterait donc les risques pour la biodiversité, la sécurité alimentaire et la santé des travailleurs, conformément à l’approche«Une seule santé»;
6.souligne, à cet égard, que le fait d’autoriser l’importation de toute plante génétiquement modifiée qui a été rendue tolérante aux herbicides pour être utilisée dans des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux est incompatible avec les engagements internationaux pris par l’Union dans le cadre, entre autres, des objectifs de développement durable des Nations unies et de la convention des Nations unies sur la diversité biologique, y compris le cadre de Kunming-Montréal récemment adopté(19);
7.se félicite que la Commission ait finalement reconnu, dans une lettre en date du 11septembre2020 à l’attention des députés, que les décisions d’autorisation relatives aux OGM devaient tenir compte de la durabilité(20); se déclare toutefois profondément déçu que la Commission ait depuis continué d’autoriser l’importation d’OGM dans l’Union, malgré les objections formulées à de multiples reprises par le Parlement et le vote d’une majorité des États membres contre ces autorisations;
8.demande instamment à la Commission, une fois encore, de tenir compte des obligations qui incombent à l’Union en vertu d’accords internationaux, tels que l’accord de Paris sur le climat, la convention des Nations unies sur la diversité biologique et les objectifs de développement durable des Nations unies; demande une nouvelle fois que les projets d’actes d’exécution soient accompagnés d’un exposé des motifs expliquant comment ils respectent le principe de «ne pas nuire»(21);
9.charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu’aux gouvernements et aux parlements des États membres.
Avis scientifique du groupe scientifique de l’EFSA sur les organismes génétiquement modifiés intitulé«Assessment of genetically modified maize MON 89034×1507×NK603 for renewal authorisation under Regulation (EC) No1829/2003» (dossier GMFF-2022-3670), EFSA Journal, 2024;22(4):8716, https://doi.org/10.2903/j.efsa.2024.8716.
Au cours de sa huitièmelégislature, le Parlement a adopté 36résolutions et, au cours de sa neuvième législature, le Parlement a adopté 38résolutions par lesquelles il s’est opposé à l’autorisation d’OGM.
Règlement d’exécution(UE) nº503/2013 de la Commission du3avril2013 relatif aux demandes d’autorisation de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux génétiquement modifiés introduites en application du règlement(CE) nº1829/2003 du Parlement européen et du Conseil et modifiant les règlements de la Commission(CE) nº641/2004 et (CE)nº1981/2006 (JOL157 du 8.6.2013, p.1, ELI: http://data.europa.eu/eli/reg_impl/2013/503/oj).
Voir, par exemple, Schulz,R., Bub,S., Petschick,L. L., Stehle,S., Wolfram,J. (2021) «Applied pesticide toxicity shifts toward plants and invertebrates, even in GM crops», Science 372(6537), pp.81-84, https://doi.org/10.1126/science.abe1148; Bonny, S., «Genetically Modified Herbicide-Tolerant Crops, Weeds, and Herbicides: Overview and Impact», Environmental Management, janvier2016;57(1), pp.31-48, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26296738; et Benbrook,C. M., «Impacts of genetically engineered crops on pesticide use in the U.S. - the first sixteen years», Environmental Sciences Europe, 28septembre2012, Vol. 24(1), https://enveurope.springeropen.com/articles/10.1186/2190-4715-24-24.
Voir, par exemple, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1383574218300887, https://academic.oup.com/ije/advance-article/doi/10.1093/ije/dyz017/5382278, https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0219610, et https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6612199/.
Pour une analyse, voir l’article de Rubio-Infante,N. et Moreno-Fierros, L. intitulé «An overview of the safety and biological effects of Bacillus thuringiensis Cry toxins in mammals», Journal of Applied Toxicology, mai2016, 36,5, pp.630-648, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/jat.3252.
Voir, par exemple, HilbeckA. et OttoM., «Specificity and combinatorial effects of Bacillus thuringiensis Cry toxins in the context of GMO environmental risk assessment», Frontiers in Environmental Science 2015, 3:71, https://doi.org/10.3389/fenvs.2015.00071.
«Strategic Dialogue on the Future of EU Agriculture - A shared prospect for farming and food in Europe», septembre2024, https://agriculture.ec.europa.eu/document/download/171329ff-0f50-4fa5-946f-aea11032172e_en?filename=strategic-dialogue-report-2024_en.pdf.
La Commission peut procéder à l’autorisation, et non procède à l’autorisation, s’il n’y a pas de majorité qualifiée d’États membres favorables au sein du comité d’appel, conformément au règlement(UE) nº182/2011 (article6, paragraphe3).
Règlement(CE) nº178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28janvier2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JOL31 du 1.2.2002, p.1, ELI:http://data.europa.eu/eli/reg/2002/178/oj).
En décembre2022, un cadre mondial en matière de biodiversité a été adopté lors de la COP15 de la convention des Nations unies sur la diversité biologique; il comprend un objectif mondial de réduction du risque lié aux pesticides d’au moins 50% d’ici2030 (voir: https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_22_7834).