PROPOSITION DE RÉSOLUTION COMMUNEsur la brevetabilité des plantes et des procédés essentiellement biologiques
17.9.2019-()
en remplacement des propositions de résolution suivantes:
B9-0040/2019 (PPE)
B9-0041/2019 (Verts/ALE)
B9-0042/2019 (GUE/NGL)
B9-0043/2019 (ECR)
B9-0044/2019 (S&D)
B9-0047/2019 (Renew)
Annie Schreijer-Pierik, Herbert Dorfmann
au nom du groupe PPE
Paolo DeCastro
au nom du groupe S&D
Jan Huitema
au nom du groupe Renew Europe
Martin Häusling
au nom du groupe Verts/ALE
Anthea McIntyre, Bert-Jan Ruissen, Veronika Vrecionová, Nicola Procaccini, Mazaly Aguilar
au nom du groupe ECR
Martin Buschmann, Luke Ming Flanagan, Stelios Kouloglou, Petros Kokkalis, Marisa Matias, Manuel Bompard
au nom du groupe GUE/NGL
Dino Giarrusso, Daniela Rondinelli
Résolution du Parlement européen sur la brevetabilité des plantes et des procédés essentiellement biologiques
()
Le Parlement européen,
–vu sa résolution du10 mai2012 sur le brevetage des procédés essentiellement biologiques[1],
–vu sa résolution du17 décembre2015 sur les brevets et les droits d’obtention végétale[2],
–vu la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6juillet1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques[3], et notamment son article4, qui dispose que les produits obtenus par des procédés essentiellement biologiques ne sont pas brevetables,
–vu la convention sur le brevet européen (CBE) du5 octobre1973, et notamment son article53, pointb),
–vu le règlement d’exécution de la CBE, et notamment sa règle26, qui dispose que, s’agissant des demandes de brevet européen et des brevets européens qui ont pour objet des inventions biotechnologiques, la directive98/44/CE constitue un moyen complémentaire d’interprétation des dispositions pertinentes de la convention,
–vu l’avis de la Commission du 8novembre2016 concernant certains articles de la directive98/44/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques[4],
–vu les conclusions du Conseil du 1ermars2017 sur l’avis de la Commission concernant certains articles de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques[5],
–vu la décision du conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets en date du29 juin2017 modifiant les règles27 et28 du règlement d’exécution de la CBE (CA/D 6/17)[6],
–vu la décision prise par le président de l’OEB de saisir la grande chambre de recours de plusieurs questions de droit relatives à la décisionT1063/18-3.3.04 rendue le 5 décembre 2018 par la chambre de recours technique de l’OEB[7],
–vu le règlement (CE) nº2100/94 du Conseil du 27juillet1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales[8] (ci-après le «règlement (CE) nº2100/94 du Conseil»), et notamment son article15, pointc), prévoyant d’exempter les obtenteurs,
–vu l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, y compris le commerce des marchandises de contrefaçon (ADPIC), et notamment son article27, paragraphe3,
–vu l’article136, paragraphe5, et l’article132, paragraphe4, de son règlement intérieur,
A.considérant qu’un accès libre au matériel végétal (y compris les caractères végétaux) est absolument indispensable à la capacité d’innovation des secteurs européens de la sélection végétale et de l’agriculture, à leur compétitivité internationale et à l’élaboration de nouvelles variétés végétales en vue de garantir la sécurité alimentaire à l’échelle mondiale, de lutter contre le changement climatique, d’empêcher la formation de monopoles dans le secteur de la sélection, et d’ouvrir de nouvelles perspectives aux PME et aux agriculteurs;
B.considérant que toute mesure restrictive ou tentative d’entraver l’accès aux ressources génétiques est susceptible de mener à une concentration excessive du marché dans le domaine de la sélection végétale, au détriment de la concurrence, des consommateurs, du marché intérieur européen et de la sécurité alimentaire;
C.considérant que le brevetage de produits obtenus par des procédés biologiquement essentiels ou celui de matériel génétique nécessaire à l’obtention classique est contraire à l’exclusion établie à l’article53, point b), de la CBE et à l’article4 de la directive98/44/CE;
D.considérant que les produits obtenus par des procédés essentiellement biologiques tels que les végétaux, les semences, les caractères et les gènes natifs ne sauraient être brevetables;
E.considérant que la sélection végétale et animale constitue un procédé innovant adopté par les agriculteurs et la communauté agricole dès les débuts de l’agriculture et toujours employé, et qu’il est important pour la diversité génétique de disposer de variétés et de méthodes de sélection;
F.considérant que la directive 98/44/CE réglemente les inventions biotechnologiques, en particulier le génie génétique;
G.considérant que dans son avis du 8novembre2016, la Commission conclut qu’en adoptant la directive98/44/CE, l’intention du législateur de l’Union était d’exclure de la brevetabilité les produits obtenus par des procédés essentiellement biologiques;
H.considérant que dans ses conclusions du 3février2017, le Conseil se félicite de l’avis de la Commission; considérant que tous les législateurs de l’Union concernés ont expressément précisé qu’en adoptant la directive98/44/CE, l’intention du législateur de l’Union était d’exclure de la brevetabilité les produits obtenus par des procédés essentiellement biologiques;
I.considérant que le 29juin2017, le conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets a modifié les règles27 et28 du règlement d’exécution de la CBE[9] et spécifié qu’il était interdit de délivrer des brevets sur les plantes et les animaux obtenus par des procédés essentiellement biologiques;
J.considérant que les 38 États parties à la CBE ont confirmé que leurs législations et pratiques nationales respectaient ces règles et ne permettaient donc pas le brevetage de produits obtenus par des procédés essentiellement biologiques;
K.considérant que ces États ont exprimé leurs inquiétudes quant à l’insécurité juridique découlant de la décisionT1063/18[10] du5 décembre2018 de la chambre de recours technique 3.3.04;
L.considérant que cette décision a été soumise à la grande chambre de recours par le président de l’OEB en mars2019, lors de la 159e réunion du conseil d’administration;
M.considérant que de nombreuses demandes portant sur des produits obtenus à partir de procédés essentiellement biologiques sont en attente d’une décision de l’OEB, et que les demandeurs, ainsi que les personnes qui seront concernées par ces brevets, ont grand besoin de sécurité juridique concernant la validité de la règle28, paragraphe2;
N.considérant que le régime international de protection des obtentions végétales fondé sur la conventionUPOV de1991 et le régime de l’Union fondé sur le règlement (CE) n°2100/94 du Conseil érigent en principe fondamental le fait que le titulaire d’une protection des obtentions végétales ne peut empêcher d’autres personnes d’utiliser la variété végétale protégée pour d’autres activités de sélection;
1.exprime la vive inquiétude que lui inspire la décision de la chambre de recours technique 3.3.04 de l’OEB du5décembre2018 (T1063/18), car elle créée une situation d’incertitude juridique;
2.réaffirme que les variétés végétales et les races animales, y compris leurs parties et caractéristiques, de même que les produits obtenus par des procédés essentiellement biologiques ainsi que ces procédés eux-mêmes ne sauraient en aucun cas être brevetables, conformément à la directive98/44/CE et à l’intention du législateur de l’Union;
3.estime que les règles internes de prise de décision de l’OEB ne doivent pas nuire au contrôle politique démocratique du droit européen des brevets et de son interprétation ou à l’intention du législateur telle que clarifiée dans l’avis de la Commission du 8 novembre 2016 concernant certains articles de la directive98/44/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques;
4.considère que toute tentative de breveter des produits obtenus de façon classique, par croisement ou sélection, ou du matériel génétique nécessaire à l’obtention classique est contraire à l’exclusion établie à l’article53, pointb), de la CBE et à l’article4 de la directive98/44/CE;
5.invite la Commission et les États membres à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour obtenir de l’OEB l’assurance juridique sans équivoque de la non-brevetabilité des produits obtenus à partir de procédés essentiellement biologiques.
6.salue l’avis de la Commission du 8 novembre 2016, qui précise qu’en adoptant la directive98/44/CE, l’intention du législateur de l’Union était d’exclure de la brevetabilité les produits obtenus par des procédés essentiellement biologiques; se félicite de l’harmonisation, par les États parties à la CBE, de leurs législations et de leurs pratiques, et salue la décision du conseil d’administration de l’OEB de préciser la portée et le sens de l’article53, pointb), de la CBE, relatif aux exceptions à la brevetabilité;
7.invite la Commission et les États membres à protéger la capacité d’innovation des secteurs européens de la sélection végétale et de l’agriculture et à servir l’intérêt général en veillant à ce que l’Union garantisse de façon effective l’accès au matériel obtenu par des procédés essentiellement biologiques et son utilisation pour la sélection végétale afin de ne pas compromettre, le cas échéant, les pratiques garantissant les droits des agriculteurs et l’exemption des obtenteurs.
8.exhorte par conséquent la Commission à intervenir, avant le 1eroctobre2019, auprès de la grande chambre de recours de l’OEB en qualité d’amicus curiae, à insister sur les conclusions formulées dans son avis de2016, selon lesquelles l’adoption de la directive98/44/CE témoignait de l’intention du législateur de l’Union d’exclure de la brevetabilité les produits obtenus par des procédés essentiellement biologiques, et à joindre la présente résolution à sa déclaration;
9.invite la grande chambre de recours de l’OEB, à rétablir sans délai la sécurité juridique dans l’intérêt des obtenteurs, des agriculteurs et du grand public en répondant favorablement aux questions qui lui ont été soumises par le président de l’OEB;
10.invite la Commission à nouer un dialogue actif avec les pays tiers lors des négociations d’accords commerciaux et de partenariat en vue de veiller à ce que les procédés essentiellement biologiques et les produits qui en sont issus soient exclus de la brevetabilité;
11.invite la Commission à persévérer sur la voie de la non-brevetabilité des procédés essentiellement biologiques et des produits qui en découlent, alors que des discussions sont en cours en vue de l’harmonisation du droit multilatéral des brevets;
12.invite la Commission à faire état de l’évolution du droit des brevets dans le domaine de la biotechnologie et du génie génétique ainsi que de ses répercussions, conformément à l’article16, pointc), de la directive98/44/CE et à la demande du Parlement telle que formulée dans sa résolution du 17décembre2015 sur les brevets et les droits d’obtention végétale, et à analyser plus en profondeur les questions liées à la portée de la protection des brevets;
13.charge son Président de communiquer la présente résolution sous forme de déclaration écrite à la grande chambre de recours de l’OEB d’ici au 1eroctobre2019 et de la transmettre au Conseil et à la Commission.
- [1] JO C261 E du 10.9.2013, p. 31.
- [2] JO C399 du 24.11.2017, p. 188.
- [3] JO L213 du 30.7.1998, p. 13.
- [4] JO C411 du 8.11.2016, p. 3.
- [5] JO C65 du 1.3.2017, p. 2.
- [6] Journal officiel de l’OEB, A56, 31.7.2017.
- [7] Journal officiel de l’OEB, A52, 31.5.2019.
- [8] JO L227 du 1.9.1994, p. 1.
- [9] Journal officiel de l’OEB, A56, 31.7.2017 (CA/D 6/17).
- [10] https://www.epo.org/news-issues/news/2019/20190329.html